Dessins

Je dessine au lieu de coder pour ne pas ignorer ma fragilité humaine.

Coder, on peut se sentir plus robuste, comme une machine. L’humain et la machine se mêlent pour devenir métallique, efficace et sans faute. L’instruction écrite avec le code se termine souvent avec un point-virgule et un simple oubli de ce détail ou tout autre détail peut provoquer des bugs.
L’humain-machine ne tolère pas l’erreur.

Depuis plus ou moins 15 ans, je code 8 heures par jour avec d’autres humains-machine. Je contribue à l’altération des connaissances où d’innombrables têtes pensantes sont jetées dans la boite noire du monde algorithmique.
Avec la technologie, nous créons un espace idéologique qui rend ambiguë la différence entre naturel et artificiel. Avec le relativisme, peut-être avons-nous également créé une nouvelle croyance ?
Les 24 heures de notre vie dans un monde virtuel met en avant la stimulation, pour distraire de la distraction par la distraction.
Google estime que le temps de concentration d’un humain est de 9 secondes, et l’algorithme doit savoir contrôler l’(in)attention de l’humain devant l’écran avec des centaines de messages, des sollicitations, des informations, des mensonges, des rumeurs, des photos, des vidéos, …

Nous sommes des chimères, des formes hybrides d’organismes et de machines, théorisées et fabriquées. La vitesse, l’hyper-connectivité et la distraction sont la norme.

Les quelques heures dans la journée où je ne code pas et ne dors pas, les rayons électro-magnétique du soleil, les ondes des sons des grandes orgues, le bruit des pas sur les feuilles mortes, l’odeur du compost, la sensation du froid l’hiver sur ma peau ou la chaleur de l’été m’invitent au retour à la subjectivité et me permettent de reconsidérer la machine comme un simple instrument.
En dessinant, j’observe la lenteur et je me concentre sur des signaux simples et banals.
Dessiner est peut-être un exercice mental pour me rappeler que l’humilité reste un remède efficace pour vivre dans ce monde de chimères.
Je dessine, comme écrire dans son journal au lieu d’écrire des discours.

Peintures

Désorientée, réorientée, je regarde le monde hyper connecté dans lequel je suis piégée de biais et j’essaye de trouver un équilibre entre le globe globalisé et la terre organique à réinventer.

Je dessine en utilisant des techniques archaïques, sans les double-cliques, avec des fragments, des compositions, des éléments modestes.

Je dessine mes doutes, mes gratitudes, mes dépendances aux abeilles, aux hirondelles, aux mésanges, aux écureuils, au vent, à la musique, à l’odeur du printemps, à la relation avec les vivants.