ou Une autre histoire de la vie
8 oct > 8 nov 2016
Studio A • 7 rue Paul Bert à Courbevoie
Artistes présents : Agnès Pezeu, Saraswati Gramich, Sun Mi Kim, Brigitte Tartière, Philippe Desloubières, Anne Vignal, Philippe Fabian, Charlotte Lelong, Etienne Zucker, Stéphanie Guglielmetti, Pierre Yves Hervy-Vaillant, Normand Paradis, Dominique De Beir, Valette, Esteban Ruiz.
Le Dictionnaire abrégé du surréalisme donne du Cadavre exquis la définition suivante : « jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. » Ici la règle a été quelque peu modifiée : moins Cadavre exquis que jeu de dominos gagné par une fantaisie collective, chaque oeuvre dépend de la précédente et annonce la suivante. Par quel biais ? Pas de réponse. C’est même toute la question. Nourri de ce qu’il reçoit pour progresser, à la manière de ces plantes radicantes qui s’enracinent pour mieux avancer, chaque artiste puise dans son univers et ses techniques pour passer le relai, maillon d’une chaîne d’Ariane dont nul ne saurait préfigurer l’issue.
Résonnances formelles, lapsus plastiques, allitérations de couleurs, dissonances techniques… En renonçant au discours monographique, le désordre organisé de cette Galerie de l’Evolution vise le décloisonnement. Les représentations se suivent et ne se ressemblent pas, fragments d’un Tout que Victor Segalen célébrait dans son Esthétique du divers. Mais bien qu’elles semblent relever du mariage de la carpe et du lapin, ces pièces détachées sont moins hétéroclites qu’il n’y paraît : à la fois solitaires et solidaires, elles expriment avec plus ou moins de gravité la peau du monde et la chair des choses. Une histoire de la vie, en somme : « faisant avec » ce qui leur est donné, l’apparente gratuité de ces assemblages fait naître un récit inédit, riche de significations vitales. Car la vie, n’est-ce pas « faire avec » ce qui advient ?
N’est-ce pas une histoire d’interprétation et de transformation perpétuellement renouvelée ?
Non content de taquiner son visiteur avec une belle liberté de ton, ce melting-pot favorise l’esprit d’escalier et la suggestion, forme poétique par excellence. Tenant de la promenade protéinée (Protée, dieu de la métamorphose) et de l’auberge espagnole (on trouve ce qu’on apporte), l’exposition privilégie le ressenti et stimule l’imagination. Ce qui est le propre de l’art.
Delphine Désveaux
août 2016